La débandade imprévue du système politique irakien
بقلم هارولد هيمان
Depuis un an, la sécurité dans l’Irak de Nouri al-Maliki ne cesse de se dégrader. Les djihadistes apparaissent dans l’ouest, leurs attentats se multiplient dans les mosquées chiites dans le pays. Les troupes américaines ne sont plus là, et les agents de sécurité occidentaux privés sont utilisés pour la protection et non pour la répression qu’ils ont pu pratiquer par le passé sous la couverture de cette même armée américaine.
L’armée nationale irakienne, formée par les Américains et leurs alliés, détenant un matériel potable, et disposant de services de renseignements sans doute compétents mais certainement cruels, aurait dû parer à cette éventualité. Or les troupes irakiennes se sont débandées à Mossoul début juillet, face aux coups de boutoir de l’«État islamique».
Pourquoi l’armée irakienne est-elle si mauvaise, et l’État islamique si puissant? D’abord l’armée: sous la houlette de Maliki, les institutions nationales deviennent confessionnelles, chiites en l’occurrence. Son parti, Dawa, est partisan d’un régime clairement anti-laïc et vaguement calqué sur le modèle de l’Ayatollah Khomeini à Téhéran. Pourtant, plusieurs autres chefs confessionnels chiites sont méfiants voire hostiles envers Dawa. Maliki a donc construit un régime autour de son parti, mimant les méthodes de Saddam Hussein.
La main-mise de Dawa n’a jamais été totale sur le territoire: le nord-est lui échappe, encloisonné dans la région autonome du Kurdistan; le nord en général est largement sunnite, chrétien, et aussi ethniquement diversifié avec une forte minorité turcophone. L’ouest du pays, et notamment la province d’Anbar, est sunnite et tribale, avec des liens aux tribus de Syrie et d’Arabie, et le pouvoir chiite a oublié cette zone depuis longtemps. Il y a le sud, très chiite mais tenu en partie par les chefs religieux chiites indépendants. Enfin, il y a Bagdad, dont les parties bourgeois sont mixtes chiites sunnites, mais dont les banlieues pauvres sont uniconfessionnelles, avec une prépondérance numérique chiite.
Sur tout cela, le pouvoir Maliki est incomplet, brutal, corrompu. Depuis des années, les sunnites insatisfaits se coalisent, et acceptent aisément l’appui des djihadistes, et notamment l’État islamique. Ces sunnites vont jusqu’à s’amalgamer, sur le plan opérationnel militaire, à l’ État islamique. Ainsi dans les rangs de cette force effroyable il y a des combattants tribaux, des anciens de la rébellion sunnite contre les États-Unis, et des bribes de l’ancienne armée de Saddam Hussein.
Lorsque l’assaut fut donné à Mossoul le mois dernier, la garnison de soldats de l’armée gouvernementale de Maliki se liquéfièrent bien vite, la population leur étant déjà très hostile. L’État islamique cessa les intimidations policières de Maliki, et se concentrèrent uniquement sur l’application de leur charia extrême, avec à la clé l’expulsion ou la conversion des incroyants chrétiens et zoroastriens — les Yézidis, adorateurs du feu. Ils ont cherché refuge au Kurdistan irakien. Les quelques chiites avait déjà fui. Les soldats de la région kurde, elles, se sont bandées pour supporter le choc de l’ État islamique: ces Pechmergas kurdes furent surpris par la virulence de leurs nouveaux ennemis, auxquels ils ont arraché Kirkouk de justesse sans certitude de pouvoir tenir leur front. Aujourd’hui, le dernier réduit au nord de Bagdad est justement ce Kurdistan. La communauté internationale va sûrement lui venir en aide matériellement dans les prochains jours, cela a certainement déjà commencé.
Bagdad, et le sud chiite dominé par des imams et ayatollahs indépendants survivront au choc de l’ État islamique, le Kurdistan lui devra être aidé. C’est cela qu’il faudra surveiller du côté de la Maison Blanche et l’Élysée: sauver le Kurdistan pour préserver l’Irak de l’ État islamique. George W. Bush devrait se demander si le renversement de l’État de Saddam Hussein n’était pas l’erreur du siècle.