تواطؤ بين الناتو وأوردغان
L’Otan derrière le plan Erdogan
Manlio Dinucci
Il s’est formé « underground » dans les deux dernières années, en profitant du « chaos de la guerre civile en Syrie » : voilà comment le président Obama reconstruit dans une interview à 60 Minutes la genèse de l’Isis (Emirat Islamique), en disant l’avoir « sous-estimé » et avoir « surestimé » la capacité de l’armée irakienne de le combattre. Raison pour laquelle les Etats-Unis « reconnaissent que la solution est en train de devenir militaire ». Obama fait ainsi d’une pierre deux coups : d’un côté il assume la fausse faute d’avoir sous-évalué l’Isis, mais pas celle, réelle, d’en avoir facilité le développement en armant et infiltrant des groupes islamistes en Syrie et en Irak, de l’autre il présente l’image d’une administration aux mains propres obligée aujourd’hui d’avoir recours à la force militaire pour protéger de l’EI les civils syriens, kurdes et irakiens.
Les attaques étasuniennes se concentrent sur les sites pétrolifères syriens, sous le prétexte qu’ils sont exploités par l’EI : le plan est à coup sûr de démolir tout le réseau des industries et infrastructures syriennes restantes pour faire s’écrouler le gouvernement de Damas. Ces sites sont frappés non seulement depuis les airs mais aussi depuis la mer : deux navires de guerre étasuniens, le Uss Arleigh Burke et le Uss Philippine Sea, sont en train de lancer depuis la Mer Rouge et le Golfe Persique des centaines de missiles de croisière sur les sites syriens. En même temps, pendant que sont armés et entraînés des « groupes rebelles syriens modérés », on prépare l’opération de terre sous le paravent du dit « plan Erdogan ».
Le plan, officiellement proposé par le président turc, prévoit la création d’une « zone tampon » en territoire syrien le long de la frontière avec la Turquie, renforcée par une « no-fly zone » établie sur la Syrie nord-orientale formellement pour protéger les civils des attaques des avions gouvernementaux syriens (qui de fait aujourd’hui déjà ne peuvent pas survoler la zone, dominée par la U.S. Air Force). Le plan est en réalité le produit de la stratégie Usa/Otan : comme le confirment le Secrétaire à la défense Hagel et le général Dempsey, la plus haute autorité militaire étasunienne, qui se sont déclarés « disponibles pour considérer la requête du président Erdogan ». La création d’une zone tampon est « devenue une possibilité », a déclaré le général Dempsey, en ajoutant qu’elle requerrait « des attaques aériennes pour mettre hors d’usage le système des défense aérien du gouvernement syrien » (The New York Times, 27 septembre).
La Turquie est aux avant-postes de l’opération militaire contre la Syrie : ici l’Otan a plus de vingt bases aériennes, navales et d’espionnage électronique, renforcées en 2013 par 6 batteries de missiles Patriot étasuniens, allemandes et hollandaises, pouvant abattre des vélivoles dans l’espace aérien syrien. A ces bases s’est ajouté un des plus importants commandements de l’Alliance : le Landcom, responsable de toutes les forces terrestres des 28 pays membres, activé à Izmir (Smyrne) (voir il manifesto du 16 juillet 2013)[1]. Le déplacement du commandement des forces terrestres alliées de l’Europe à la Turquie –adossées au Moyen-Orient (en particulier Syrie, Irak et Iran) et à la Caspienne- indique que, dans les plans USA/Otan, on prévoit l’emploi aussi de forces terrestres alliées dans cette aire de première importance stratégique. Le Landcom, aux ordres du générale étasunien Hodges, fait partie du Jfc Naples, la Force conjointe alliée dont le quartier général est à Lago Patria, aux ordres de l’amiral étasunien Ferguson : celui-ci est en même temps commandant de la Force conjointe alliée, des Forces navales étasuniennes en Europe et des Forces navales du Commandement Africa. Un jeu stratégique des trois cartes, qui permet au Pentagone de toujours garder le commandement.
Comme en informent aussi des enquêtes du New York Times et du Guardian, dans les provinces turques d’Adana et du Hatay, frontalières avec la Syrie, la Cia a ouvert des centres de formation militaire de combattants à infiltrer en Syrie, dans lesquels ont été entraînés des groupes islamistes (d’abord qualifiés par Washington de terroristes) provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Libye et autres pays. Les armes arrivent surtout via l’Arabie saoudite et le Qatar. A bord de navires Otan dans le port d’Alexandrette se trouve le commandement des opérations. Celui qu’est en train de préparer le « plan Erdogan ».
Edition de mardi 30 septembre 2014 de il manifesto